par Robert Aubin,
C. 59
Le
cours classique :
La
philosophie des maîtres
Le
témoignage des élèves
Je
ne sais trop comment j'ai appris que Claude Corbo, l'ancien recteur
de l'UQAM, avait écrit il y a une quinzaine d'années deux livres
sur le cours classique. Je les ai savourés pour la qualité de leur
écriture, le sérieux de leurs sources et les souvenirs qu'ils ont
éveillés en moi.
Laissez-moi
vous en donner un aperçu.
Autobiographies
À
l'occasion d'une année sabbatique, Claude Corbo a entrepris d'explorer
méthodiquement ce que fut vraiment le cours classique. Dans un premier
livre, il examine les écrits personnels, intimes ou autobiographiques
de plusieurs anciens collégiens.
Il
groupe ces témoignages en trois époques : fin du 19 e siècle,
marée montante de la modernité, et prodromes de la Révolution tranquille,
passant des professeurs, des programmes et des méthodes pédagogiques
aux loisirs, à la vie culturelle et à l'ouverture sur le monde.
Je
me suis attardé à la troisième période - l'auteur la qualifie de
« crépuscule du cours classique québécois » - qui analyse
les témoignages de Lucien Bouchard, Pierre Bourgault, Guy Rocher,
Richard Garneau et de plusieurs autres.
Pour
préparer l'« élite de demain », les anciens élèves se
rappellent que les professeurs se servaient de quelques moyens pédagogiques :
Un enseignement magistral, faisant une grande place aux arguments
d'autorité, aux vérités indiscutables et à la religion.
Des manuels souvent écrits en France par des prêtres (les « morceaux
choisis » permettaient de contrôler les contenus)
Une émulation entre élèves et un travail intellectuel exigeant
(on se rappelle de Sertillanges.).
Les
langues et la littérature occupaient une place centrale : grec,
latin, et français, ainsi que leur littérature (en omettant le matérialiste
18 e s. français!). L'anglais faisait figure de parent pauvre, de
même que les autres « petites matières », dont l'enseignement
commençait à être confié à des laïcs.
On
voulait développer une culture tournée vers le passé, que plusieurs
anciens étudiants ne retrouvaient pas dans leur famille, en décalage
par rapport à ce que véhiculaient la radio, la télévision et le
cinéma, en retard sur le monde contemporain.
Quelques-uns
soulignent les « moments intenses et lumineux » que leur
ont fait vivre le scoutisme, le théâtre, le journalisme étudiant.
Quelques
maîtres ont droit à des hommages sans équivoque, notamment Georges-Henri
d'Auteuil et Maurice Vignault.
L'approche
jésuite
Dans
un deuxième livre, Claude Corbo examine le discours que le milieu
jésuite québécois a développé à l'appui du cours classique.
Il
puise abondamment dans les revues Collège et famille
et Relations , et dans
d'autres écrits par des Jésuites, pour tracer un portrait complet
de leur formule d'éducation secondaire. Avec textes à l'appui, l'auteur
expose le programme et la pédagogie préconisé par les Jésuites d'ici.
Les
penseurs du cours classique (qui s'étonnera que plusieurs Jésuites
en fassent partie?) expliquent clairement le but poursuivi par le
cours classique : développer une culture personnelle forte,
« une tête bien faite plutôt qu'une tête bien pleine ».
Bilan
Ce
qui se dégage de ces deux livres, c'est que le cours classique a
réussi à former de façon brillante plusieurs générations d'élèves.
C'est tout à son honneur d'avoir développé chez eux l'art de raisonner
et la maitrise de la langue française.
Par
contre, la distance était grande entre l'enseignement classique
et le monde réel. Il faisait une place bien mince à la vie politique,
au monde des affaires, à la vie de couple.
Et
malgré les heures qui y ont été consacrées, les diplômés à leur
sortie sont loin de manifester les convictions religieuses espérées
par les pères, ni une pensée philosophique adaptée au monde de leur
époque.
La
mémoire du cours classique: les années aigres-douces des récits
autobiographiques . Outremont, Éditions logiques, 2000.
446 p.
Les
Jésuites québécois et le cours classique après 1945. Sillery,
Septentrion, 2004. 406 p.
Les
deux livres ne sont plus en librairie, seulement dans certaines
bibliothèques. Le deuxième est disponible en version électronique
chez l'éditeur Septentrion (www.septentrion.qc.ca) et à Bibliothèque
et Archives nationales du Québec.
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