2017-02-14
À Saint-Bruno-de-Montarville,
Un médecin de
campagne, le Dr Donat Fournier (1905-1995)
Donat
Fournier, C. 24, est décédé en 1995,
plusieurs années avant le début de la chronique
des Bilans de vie. Son fils Louis, C. 62, nous dresse ici
un bilan de la vie de son père.
Avril 1933. La Crise,
la terrible Dépression économique des années
trente, est à son plus fort. C'est alors qu'un jeune
médecin de 27 ans, le docteur Donat Fournier, arrive
à Saint-Bruno-de-Montarville, un village d'à
peine 1000 habitants blotti au pied de sa montagne, en pleine
campagne, à une trentaine de kilomètres au sud
de Montréal.
Mon père pratiquera la médecine
pendant près de 50 ans, dont trente-cinq ans à
Saint-Bruno et dans la campagne environnante à Saint-Basile-le-Grand,
Sainte-Julie, Saint-Hubert, Saint-Amable, jusque dans les
rangs les plus reculés. Il sera longtemps le seul médecin
de famille, ou presque, sur ce grand territoire. Il travaillera
par tous les temps, jour et nuit, avec l’aide précieuse
de son épouse infirmière, ma mère, Laurette
Tessier.
Le Dr Fournier était un homme
bon, généreux, qui aimait ses «malades»
dont il a pris soin toute sa vie. Il fut de la lignée
de ces médecins de campagne qui n'ont pas compté
leur temps et leur dévouement. Il oeuvra au service
des gens de son pays du Québec qu’il aimait tant.
Fils de
charpentier
Le Dr Fournier est né le 31
octobre 1905 à Warwick, un gros village des Bois-Francs
non loin de Victoriaville. Fils d'Edmond Fournier et d’Albertine
Martel, on le baptise Joseph Cléophas Donat Fournier.
Cléophas est le pittoresque prénom de son grand-père
Martel, cultivateur à Saint-Albert.
Son père Edmond, le seizième
d’une famille de dix-sept enfants, est né le
21 octobre 1876 à Saint-Thomas de Montmagny. Il est
le fils de Jean-Baptiste Fournier, cultivateur, et d’Éléonore
Gazé. Sise sur la rive sud de Québec, Montmagny
est le berceau des Fournier d’Amérique dont l’ancêtre
commun Guillaume, venu de la province de Normandie en France,
était débarqué à Québec
vers 1650, à l’époque du roi Louis XIV.
Donat n'a que cinq ans, en 1910, quand
ses parents s'installent à Montréal. Son père
a trouvé du travail en ville comme charpentier et menuisier
dans l’industrie du bâtiment. La petite famille
habite un modeste logement au 741, rue Ontario Est, près
de la rue Panet, dans la paroisse du Sacré-Cœur.
Elle vit dans le «Faubourg à m’lasse»,
ainsi qu’on appelle ce coin du quartier Sainte-Marie
à cause de la forte odeur de la mélasse en tonneaux
qu’on décharge, sur les quais du port, des bateaux
venus des Antilles. La mélasse est alors le «sucre
du pauvre».
Donat fait ses études
primaires à l'école Plessis. Avec l'aide financière
de son père, dont il est le seul enfant, et en occupant
divers emplois, il réussit à faire son cours
classique au Collège Sainte-Marie chez les Jésuites.
Puis il continue à l'Université de Montréal
où il obtient son doctorat en médecine en 1932.
Pour payer ses études, il travaille comme ouvrier dans
la construction, commis des Postes, vendeur et autres métiers,
durant l’été et parfois dans l’année.
L'arrivée
à Saint-Bruno
Quand il se rend pour la première
fois à Saint-Bruno en avril 1933, par le train des
Chemins de fer nationaux (CN), le jeune docteur va d'abord
rencontrer celui qui est le médecin du village depuis
une trentaine d'années, le Dr Émile Choquette.
Ce dernier est gravement malade, atteint d'un cancer qui l'emportera
peu après à l'âge de 58 ans. Le Dr Fournier
prendra la relève du Dr Choquette.
Le
beau-frère de ce dernier, Alcidas Dulude, qui tient
le magasin général, est la première personne
chez qui le Dr Fournier va « veiller »; il deviendra
l'une de ses meilleures relations dans le village. Le jeune
médecin fait aussi la connaissance du maire Paul-Émile
Huet et du curé Hermas Lachapelle.
Le 28 avril 1933, le Dr Fournier s'établit
donc à Saint-Bruno, un village qui compte environ 1
150 âmes. Il loue, pour dix-huit dollars par mois, une
maison en bois aujourd’hui disparue sur le Chemin de
la Rabastalière. Le 8 mai, il appose fièrement
sa plaque sur la façade : « Dr J.-Donat Fournier,
médecin-chirurgien ». Les gens l'appelleront
« le petit docteur », ou simplement le «
Doc ».
Le bureau aménagé dans
la maison est exigu : il n’y a pas de salle d'attente
et les patients s’assoient souvent dans les marches
de l'escalier… La maison est modeste : « Il n'y
avait pas de baignoire. On s’est lavé à
la cuvette pendant les quatre années que nous y avons
habité», raconte madame Fournier.
Une épouse
infirmière
Donat s'installe avec son père
Edmond, un veuf âgé de 56 ans et un homme à
tout faire très utile qui vivra auprès de lui
jusqu’à son décès, treize ans plus
tard. La mère de Donat, Albertine, était morte
au début de la Crise en octobre 1929.
Le 23 octobre 1933, six mois après
son arrivée à Saint-Bruno, le Dr Fournier épouse
Laurette Tessier, une jeune infirmière de 20 ans qu'il
a connue à l'hôpital Notre-Dame de Montréal
où il a fait son internat. Née le 23 novembre
1912 à Clarenceville dans les Cantons de l’Est,
Laurette est la troisième des sept enfants de Placide
Tessier, beurrier, et Flore Sansoucy.
Saint-Bruno s'enrichit donc non seulement
d'un médecin mais aussi d'une infirmière ! Et
sans Laurette, sans son affection, son soutien constant et
sa détermination, jamais Donat n'aurait pu faire tout
ce qu'il a fait.
La Crise
Devenir médecin de campagne
pendant la Crise des années trente, c'est être
à la fois docteur, pharmacien, dentiste, psychologue
et confident de tous ces gens qui vous confient non seulement
leurs problèmes de santé mais aussi leurs misères
humaines. C'est aussi s'engager dans une vie difficile en
ces temps de crise où les gens sont pauvres et vivent
parfois au seuil de la misère.
Les cultivateurs, qui forment la grande
majorité de la clientèle du jeune médecin,
traversent une mauvaise passe. Le Dr Fournier se souvient
avec tristesse de deux d'entre eux qui sont morts de découragement
en se jetant au fond de leur puits. Époque de détresse
matérielle et aussi morale où la vie elle-même
semble une longue maladie dont on ne peut guérir.
Pendant ce temps, les « Anglais
» qui possèdent de somptueuses résidences
dans la montagne – arrosée par cinq lacs - continuent
de vivre dans l’opulence. De riches familles de Montréal
comme les Drummond, les Birks, les Pease, les Meredith, ont
fait du mont Saint-Bruno leur site de villégiature
dès la fin du 19e siècle. Le village où
s'installe le Dr Fournier illustre à sa façon,
comme bien d'autres endroits au Québec, le fossé
qui sépare les classes sociales, ainsi que les francophones
et les anglophones.
Une vie
modeste
Le jeune médecin et sa femme
vivent modestement. Il se rappelle que lors de sa première
année de pratique entamée en mai 1933, il a
gagné des revenus de 835 dollars, « remèdes
compris », et il a eu bien du mal à joindre les
deux bouts L'année suivante, la situation s'améliore
: environ 3 500 dollars « remèdes compris ».
En fait, beaucoup
de ses «malades», comme il les appelle avec compassion,
n'ont tout simplement pas les moyens de payer le docteur :
«Le pire, c'est que des gens ne se faisaient pas soigner
parce qu'ils n'avaient pas d'argent. Quand ils me disaient
Je suis trop pauvre pour vous payer, je ne leur envoyais pas
de compte. Certains me payaient en nature avec des sacs de
patates, des œufs, des légumes…».
Souvent, les comptes impayés s'accumulent et on finit
par les effacer.
Le Dr Fournier se souvient d'une dame
Gemme qu'il a accouchée de jumeaux dans une humble
maison du Deuxième Rang des Colons à Saint-Amable
: « La famille n'avait pas une cenne noire. Les cultivateurs
de ce village étaient parmi les plus misérables.
Pour survivre, plusieurs fabriquaient des balais de branches
et des échelles de bois. C'était avant que le
curé Gagnon introduise la culture des patates et des
asperges qui a permis d’améliorer un peu leur
sort. »
Presque tous les jours, le docteur
fait des visites à domicile, avec sa trousse médicale
en cuir noir qu’il appelle sa valise. «C’était
le Bon Dieu en personne, a raconté une de ses premières
patientes, madame Lorraine Canty Quintal. Il soignait tout
le monde, riches ou pauvres, sans distinctions.»
Les premiers
de sept enfants
Laurette et Donat auront sept enfants.
Les trois premiers naissent en l'espace
de trois ans : d’abord deux filles, Marthe, née
le 28 novembre 1934 et Monique, le 8 novembre 1935, puis le
premier de cinq garçons, Pierre, venu au monde le 23
février 1937.
Cette même
année, alors qu’elle vit désormais trop
à l’étroit, la famille doit déménager
dans une maison plus grande sise juste de l’autre côté
de la rue, au 106 du Chemin de la Rabastalière Ouest.
Le docteur loue cette jolie demeure ancienne en briques d’un
cultivateur M. Joseph-Louis Ponton. La famille y habitera
pendant six ans.
2 500 accouchements
Le Dr Fournier se souvient du premier
accouchement qu’il a fait, en 1933, un «gros garçon»,
Jean-Marie Gauthier, fils de Jeanne et d’Albert Gauthier
du Rang des Vingt-Cinq. «C’était encore
l’époque des grosses familles à la campagne,
des familles parfois trop nombreuses», dit le Dr Fournier.
Il a même connu trois familles de douze enfants chacune
!
Il estime qu'il a dû réaliser quelque 2 500 accouchements
en trente-cinq ans, soit une moyenne de 72 par année…
Il disait souvent : « Cette personne-là, je l'ai
mise au monde ! » Il était non seulement médecin
généraliste mais aussi obstétricien !
Les femmes accouchaient presque toujours
à domicile en ce temps-là : « De toute
façon, les familles n'auraient pas pu payer l'hôpital.
» La plupart des femmes enceintes ne se faisaient pas
« suivre » par le médecin, ni avant ni
après l'accouchement : «Elles attendaient à
la dernière minute pour m’appeler. Après
1940, j'insistais pour que l'accouchement se fasse à
l'hôpital, surtout dans le cas des femmes enceintes
pour la première fois, les primipares. J'étais
attaché à l'hôpital Notre-Dame à
Montréal mais je faisais aussi des accouchements à
d'autres hôpitaux montréalais : La Miséricorde,
Saint-Denis, Beaulac. J'ai eu plusieurs cas de jumeaux. Je
les décelais à l'œil. » Dans les
années trente, il en coûtait environ 10 dollars
pour un accouchement à la maison.
Maladies
et accidents
Les maladies les plus courantes étaient
les maladies contagieuses car il n'y avait pas encore de vaccins,
sauf le vaccin contre la variole et le BCG contre la tuberculose.
Il fallait donc soigner les cas de varicelle (la « picote
volante »), de scarlatine, de rougeole, de coqueluche,
de diphtérie. Les autres vaccins sont apparus dans
les années quarante.
Mais « la vraie révolution
dans la médecine, ce fut l’apparition des antibiotiques
vers la fin des années quarante. Les premiers étaient
les “sulfas” – les sulfamides - , puis la
pénicilline vers 1950 ».
C'est en 1934 que le Dr Fournier a
eu à traiter son premier « gros cas » d'accident
: une collision entre deux automobiles survenue sur le Chemin
Chambly, l’ancien Chemin du Roi et la route vers Montréal
car le boulevard Laurier n'existe pas encore. Il a dû
faire vingt-huit points de suture au visage d'une jeune femme.
« Un vrai cas de chirurgie plastique, dit-il, Laurette
m'a beaucoup aidé. La jeune accidentée est venue
me remercier et, ma foi, elle “présentait”
bien ! »
Parmi les accidents graves où
on l’a demandé d'urgence, il se rappelle l'écrasement
sur la montagne, en novembre 1951, d'un avion militaire de
la base de Saint-Hubert qui a fait six morts. Le docteur a
contribué à sauver le septième occupant
de l'appareil, grièvement blessé. Une autre
catastrophe est survenue durant la Deuxième Guerre
mondiale, en 1944 : une explosion au Champ de tir de l'Armée
canadienne à Saint-Bruno qui avait fait plusieurs morts.
Un grand
territoire
Après Saint-Bruno et tous ses
rangs (Douze, Vingt, Vingt-Cinq, Quarante…), c'est à
Saint-Basile-le-Grand que le docteur comptait le plus grand
nombre de patients, puis à Saint-Amable, Sainte-Julie
et Saint-Hubert.
« J'avais un grand territoire
à couvrir. Les médecins les plus proches étaient
à Belœil (le Dr Archambault, le Dr Brunelle),
à Saint-Lambert et à Chambly. J'ai aussi eu
quelques patients de McMasterville, des travailleurs de la
fabrique d’explosifs CIL qui venaient me voir en train.
Le médecin de la compagnie ne parlait qu'anglais…
».
Le Dr Fournier a acquis sa première
automobile, une Ford Victoria à deux sièges,
dès le début de sa pratique en 1933. Il ne compte
plus les fois où il s'est pris dans la neige en hiver.
Une fois, en pleine tempête, il a dû rentrer à
la maison à pied, enveloppé dans une couverture
de laine qu'il apportait toujours avec lui.
Il raconte : « Les chemins n'ont
pas été déneigés avant 1943. Le
seul moyen de transport vers Montréal était
encore le train. Pour les visites à domicile, les gens
devaient atteler leurs chevaux et venir me chercher avec leur
traîneau monté sur des patins - leur «box-sleigh»
- puis ils me ramenaient à la maison. Par la suite,
les Goyer ont équipé leur camion d'une charrue
pour déneiger les routes. Bruno «Tom» Grisé
a fait de même et c’est lui qui a longtemps déblayé
mon entrée. »
« Pour les visites à
Sainte-Julie, je pouvais me rendre en auto jusqu'à
la Villa Grand-Coteau, la grande ferme des Frères de
Saint-Gabriel, parce qu’ils déneigeaient eux-mêmes
un bout du rang des Vingt-cinq pour aller livrer leurs produits
à Montréal. À la ferme, les gens de Sainte-Julie
venaient me chercher en traîneau à cheval, puis
me ramenaient. Sainte-Julie était aussi desservie par
le médecin de Varennes qui s'était acheté
une motoneige. »
La Guerre
C’est au cours de la Deuxième
Guerre mondiale que la situation s’est améliorée
pour la majorité des habitants de Saint-Bruno. «
Les gens avaient de l'ouvrage et un peu plus de sous, raconte
le Dr Fournier. Plusieurs ont commencé à travailler
dans les industries de guerre comme à l'avionnerie
Pratt et Whitney à Longueuil et aux chemins de fer
à Saint-Lambert. Des cultivateurs se sont acheté
des camions pour faire du charroyage, entre autres pour les
carrières Dulude et Goyer sur la montagne.»
La Caisse populaire de Saint-Bruno,
une institution financière coopérative, avait
été fondée en 1936 à l’initiative
du curé Xiste Gagnon. Elle a encouragé l’épargne
et facilité les emprunts pour les cultivateurs et les
autres habitants, note le médecin.
«C'est durant la guerre qu’on
a construit le boulevard Laurier, la route 116, pour aller
à Montréal, ajoute le Dr Fournier Auparavant,
il fallait passer par la Montée Sabourin jusqu'au Chemin
Chambly. Mais en général, les gens continuaient
à prendre le train pour aller en ville». Il n’y
avait pas de barrières au passage à niveau près
de la gare : « J’en ai parlé aux autorités.
Le grand nombre d’accidents avec des blessés,
et même des morts, a forcé le Canadien National
à installer enfin des barrières… »
La maison
en face de l’église
C'est au mitan de la guerre, en 1943,
que le Dr Fournier et sa famille emménagent dans la
«maison du notaire», une grande demeure ancienne
construite vers le milieu du 19e siècle et sise juste
en face de l'église paroissiale de Saint-Bruno, rue
Montarville.
Cette belle maison en briques avec
son toit en pente, ses pignons et ses lucarnes, sa longue
galerie en bois sur la façade, avait été
érigée vers 1860 pour le notaire Joseph-Octave
Campeau, sur un terrain acquis du seigneur de Montarville,
l’avocat François-Pierre Bruneau. La résidence
sera vendue en 1927 à Alphonse Durivage, propriétaire
d’une grande boulangerie de Montréal, qui en
fera sa maison de campagne. Le docteur Fournier l'a achetée
de cette famille bourgeoise.
Le médecin y fait aménager
un bureau plus spacieux que celui qu'il avait auparavant et
le dote d’une vraie salle d'attente. Pendant près
de trente ans, jusqu’en 1972, la maison du 1649, rue
Montarville fut la propriété de la famille Fournier.
Acquise plus tard par la municipalité et déménagée
près du petit lac du village, elle fait désormais
partie du patrimoine historique et culturel de Saint-Bruno.
Le décès
du petit Robert
L'été 1944 est assombri
par la mort du quatrième des enfants Fournier, le petit
Robert. Né en juin 1940, le garçonnet succombe
à une hépatite toxique à la suite d'une
infection, alors qu’il vient à peine d’avoir
4 ans.
Comme pour faire oublier ce grand
malheur, trois autres garçons naissent en moins de
trois ans : Louis, le 5 février 1945 ; Luc, le 12 novembre
1946 et Jacques, le 21 décembre 1947. C'est la «
deuxième génération » des enfants
Fournier, qui suit la première à presque dix
ans d'intervalle.
Le 14 septembre 1946, le père
de Donat, mon grand-père Edmond, part à son
tour pour le grand voyage à l’âge de 69
ans.
Maire de
Saint-Bruno
Les années d'après-guerre
sont marquées par un essor graduel de la population
du village. Le cap des 3 000 habitants est franchi vers la
fin des années quarante avec la venue d'un fort contingent
d'anciens combattants - les « vétérans
» - et de leur famille qui logent dans des maisons neuves.
Au
printemps de 1949, un groupe de conseillers municipaux sollicite
le Dr Fournier pour qu'il se présente à la mairie
car, pour des raisons de santé, le maire Ernest Dulude
doit quitter le poste qu'il occupe depuis dix ans. On compte
parmi eux les échevins Arthur Jetté, Georges
Palardy, Lionel Grisé et Henri Pintal, ainsi que le
secrétaire de la municipalité Gérard
Lalumière. Un autre candidat est toutefois sur les
rangs, le marchand de bois et conseiller sortant Hubert Kéroack.
Lors des élections en mai 1949,
le Dr Fournier est élu avec une bonne majorité.
Durant son mandat bénévole de deux ans, Saint-Bruno
se dote d'un premier système public d'éclairage
des rues, soit 65 «lumières», et d'un premier
réseau de 1 500 pieds de trottoirs en ciment qui remplacent
les vieux trottoirs en bois. De grandes réalisations
pour l'époque ! Le « Doc » est réélu
par acclamation en 1951. Mais à la suite de luttes
internes au sein du conseil municipal, il préfère
démissionner en 1952.
Marguillier
de la paroisse
Le Dr Fournier a par ailleurs été
marguillier de la paroisse durant plusieurs années.
Parmi ses complices au conseil de la Fabrique, son voisin
et ami le comptable Émile Roy est maître-chantre
à l’église. Il se lie aussi d’amitié
avec un citoyen célèbre de Saint-Bruno, Gérard
Filion, alors directeur du quotidien Le Devoir. Président
de la commission scolaire locale, M. Filion sera élu
maire en 1960.
Les réunions des marguilliers
sont parfois l'occasion de déguster, dans la cave du
presbytère, le vin de messe que fabrique avec bonheur
le curé Gilles Gervais. Un des grands crus de son cellier
porte le nom coquin de «Petit Jésus en culottes
de velours»… Un autre a été baptisé
du nom de «Maurice Richard», joueur de hockey
légendaire et idole de tout un peuple.
Donat est un bon vivant qui aime bien
prendre un petit coup dans cette
atmosphère conviviale. Homme sociable il aime aussi
les bons repas, les bons cigares et les bonnes parties de
cartes, lui qui adore jouer au « 500 ».
La relève
En 1955, Saint-Bruno compte désormais
près de 4 000 habitants. Le Dr Fournier est toujours
le seul médecin du village et il compte des patients
à Saint-Basile-le-Grand, Sainte-Julie et Saint-Amable.
C'est alors que s'installe le premier pharmacien, André
Dalpé, qui se fait connaître avec l'appui du
docteur.
En 1958, Saint-Bruno, en pleine expansion,
accède enfin au statut de Ville. Le jeune Dr Philippe
Matteau ouvre alors un cabinet pour seconder le Dr Fournier.
Les docteurs Guy Bonenfant et Claude Graveline viendront s’établir
dans la foulée, puis le premier dentiste, le Dr Jean
Leroux. La relève est enfin assurée.
Jusqu'à
la retraite
En 1968, à l'âge de 63
ans, le Dr Fournier met un terme à trente-cinq ans
de pratique à Saint-Bruno et dans la campagne environnante,
tout en conservant quelques vieux patients pendant plusieurs
années encore.
Il n'abandonne pas la médecine
pour autant car il travaille comme omnipraticien à
l'hôpital psychiatrique Louis-Hippolyte-Lafontaine à
Montréal, jusqu'en 1975. Parmi ses collègues
de renom: le médecin et écrivain Jacques Ferron,
qui pratiquait auparavant à Ville Jacques-Cartier (aujourd’hui
Longueuil), et le Dr Denis Lazure, directeur de l’hôpital.
Le Dr Fournier travaille ensuite dans
une clinique médicale à Longueuil, puis comme
médecin attitré à la résidence
pour personnes âgées Berthiaume-Du Tremblay à
Montréal. Il termine sa longue carrière comme
médecin des Soeurs Carmélites de Montréal.
A l'âge de
75 ans, en 1981, il accepte de prendre une retraite bien méritée.
Peu après, il sera décoré de l'Ordre
du Mérite de Saint-Bruno-de-Montarville.
Le pays
du Québec
Fervent indépendantiste, admirateur
de René Lévesque et membre du Parti Québécois,
le Dr Fournier, aux côtés de son épouse
Laurette, fut l'un des membres éminents du Comité
du OUI à Saint-Bruno, dans la circonscription de Chambly,
lors de la campagne du référendum sur la souveraineté
du Québec en mai 1980.
Il s'apprêtait à voter
de nouveau en faveur du pays du Québec lors du deuxième
référendum en octobre 1995, mais il s’en
est allé doucement une semaine avant le vote. Il est
décédé le 23 octobre 1995, huit jours
avant d'atteindre l'âge vénérable de 90
ans.
Le Dr Fournier avait été
précédé dans la mort par quatre de ses
enfants, une terrible épreuve pour des parents. Outre
le petit Robert, mort à l’âge de quatre
ans en août 1944, les trois aînés sont
tous décédés du cancer : Monique, infirmière,
en 1983 ; Pierre, annonceur de radio, en 1989 et Marthe, religieuse
de la communauté des Sœurs des Saints Noms de
Jésus et de Marie, en juin 1995, quatre mois avant
son père.
Laurette partira rejoindre son mari
le 4 juillet 2007, à l’âge de 94 ans. Ses
vieux jours et ceux de Donat auront été agrémentés
par la présence de leurs nombreux petits-enfants et
arrière-petits-enfants.
Le « Doc»
repose en paix au cimetière de Saint-Bruno-de-Montarville,
auprès de son épouse et de ses enfants décédés,
dans ce village où il fut longtemps médecin
de campagne au service des gens de son pays du Québec
qu'il aimait tant.
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